La Thillaye
  Les origines de "la Thillaye"
 

SAINT-ETIENNE- ...... LA-THILLAYE. Pourquoi ?


Le destin du village a toujours été étroitement associé à la présence du tilleul sur son territoire. Il lui a donné son nom actuel, une tillaie, même si ce mot est aujourd'hui absent des dictionnaires*, reste un lieu planté de tilleuls.


Intéressons-nous d'abord à l'arbre
Le tilleul, de la famille des "tiliacées", maintenant délaissé, était distingué par les civilisations anciennes. Son bois était recherché par les sculpteurs, il a la double propriété de ne pas se fendre et de ne pas être attaqué par les vers; son feuillage vert ou sec était donné aux animaux domestiques; sa sève, après fermentation, devenait une boisson alcoolisée très appréciée; ses fleurs étaient et sont encore la source d'infusions bienfaisantes; enfin, la fibre extraite de son écorce trouvait un emploi dans la fabrication de cordages.
Des noms de villes et de villages portent encore le témoignage de l'attachement des Anciens à cet arbre aux ressources inépuisables: le Theil, Tilly et Thil ont la même origine.
Comment ne pas signaler une autre particularité de ce feuillu irremplaçable: le tilleul serait le seul arbre qui, planté tête en terre, reprendrait rapidement l'aspect de ses semblables non soumis au même supplice.

TILIA
Si le nom actuel du village fait référence à la culture du tilleul, il a, par le passé, pris une forme différente: TILIA.
Tilia était le nom du village au Moyen-Âge.
Aujourd'hui, nous traduisons ce mot latin par tilleul, au
Moyen-Âge, le même mot avait un autre sens, il désignait la fibre extraite de son écorce.
Le village portait donc le nom de son activité principale, la production de la fibre du tilleul.
Tilia devait être son nom dès l'occupation romaine, quand les premiers cordages de ce type ont été fabriqués en France. Le stade de fabrication qui a donné son nom au village, mérite d'être mieux connu.
A la fin du printemps, l'écorce, prélevée sur les troncs d'arbre de quinze ans environ, était découpée en lanières, liées en paquets, ceux-ci étaient dirigés puis immergés dans une mare de grande dimension. Après un séjour prolongé dans l'eau, l'écorce se décomposait, il restait la fibre. Cette dernière opération porte le nom de "rouissage", en raison de la couleur roux soutenu prise par le jus de fermentation.
La fibre était ensuite peignée pour la débarrasser des dernières impuretés, puis elle était filée, avant d'être transformée en cordages, surtout destinés à la marine et au puisage de l'eau. Pour les distinguer des cordes de chanvre ou de lin, on leur réservait l'expression de "cordes à bois". Il subsistait, au XIXème siècle, des fabriques de cordes de bois en Sibérie.

Le village a-t-il été un centre de production de la fibre du tilleul et subsiste-t-il des vestiges de cette activité?
Des poteries romaines datées de -50 à +50 après J-C, ont été découvertes dans l'herbage du Mont-Roty, situé à l'Est du chemin du Friche Saint Vincent. L'occupation du village par les romains, inventeurs
du procédé**, est une première certitude.
Le rapprochement de plusieurs noms de lieux-dits va maintenant nous permettre de localiser le centre de production.
Un herbage et un petit cours d'eau portent encore le nom de "Rousseries", en référence à la couleur du jus.
Le cours d'eau prend sa source à l'Est de l'herbage, son lit, d'orientation Nord-Est, lui fait traverser la D.278, avant de longer l'herbage des "Vives Terres" (eaux vives), où se trouve la mare de rouissage. L'herbage des Vives Terres mérite son appellation. En pente douce, du Mont de Clacy vers le ruisseau des Rousseries, il est creusé d'une multitude de rigoles, et toutes convergent vers la mare de rouissage, aujourd'hui en cours de comblement.
L'ensemble de la station de rouissage couvre une superficie de vingt hectares, elle se termine à l'Est par une zone d'épandage, qui borde le chemin du Friche Saint Vincent. Après décantation, les jus de fermentation étaient repris par un ruisseau, autrefois dit "des Saumares" (eaux sales), avant de regagner le Douet au Saulnier.

Un cours d'eau, un réseau de rigoles, pourvoyaient aux besoins importants en eau d'une mare de rouissage de 60 x 40 mètres; à l'autre extrémité, un second ruisseau évacuait les eaux sales et les noms expressifs de chaque élément de cet ensemble sont les fondements d'une très probable production de fibre du tilleul dans le village.

SANCTUS-STEPHANUS-DE-TILEIA
Le village est devenu Sanctus-Stephanus-de-Tileia après la construction de la première église, à la fin du XII ème siècle ou au début du siècle suivant. Du premier édifice subsiste le porche.
Saint-Etienne avait été chargé de la protection du village et Tileia ne faisait plus référence à la fibre du tilleul, mais à la culture de l'arbre. Cette nouvelle dénomination marque la fin de la production de la fibre, la culture de l'arbre va devenir la première préoccupation. Un lieu-dit, au Nord du chemin de la Mairie, "le Tilly", perpétue le souvenir de la culture intensive du tilleul, entre autre, sur cette parcelle.

Au XIV ème siècle, le nom du village sera francisé, ce sera Saint-Etienne-de-la-Thillaye, puis la forme que nous lui connaissons. Pour être complet, il faut signaler un incident de parcours survenu entre 1789 et 1793. La Révolution a remercié Saint-Etienne, pendant quelques années, ce sera: La Thillaye.

Jean PAUL

Complément (JPL)

*
*Les romains ne semblent pas être les premiers à avoir tiré parti de la fibre du tilleul. Voici un exemple d'exploitation du tilleul au néolithique:


La maison néolithique de Chalain, Jura (3200-2900 av. J.-C)
... Partout, les jeunes tilleuls sont repérés et abattus pour lever l'écorce au printemps.
Ces longues bandes d'écorce, mises à rouir pendant quelques semaines, fournissent une filasse fine, un matériau de faible coût et bien adapté à la fabrication des cordes pour les charpentes, des ficelles et du fil pour les vêtements de pluie comme les capes et les chapeaux coniques.
La construction néolithique repose sur l'utilisation systématique des perches emboîtées dans la gueule des poteaux et sur les brêlages pour relier entre elles les pièces d'architecture. (photo de droite)
Le tilleul participe alors à un véritable système technique, puisque c'est avec la même filasse que l'on va réaliser des vêtements, des nattes et des tissus, tandis que l'écorce est aussi utilisée pour la fabrication de boîtes cylindriques cousues ou de revêtements pour stabiliser les sols...
Les sites littoraux néolithiques de Clairvaux-les-Lacs et de Chalain (Jura)
Tome III : Chalain station III, 3200-2900 av. J.-C - Pierre Pétrequin. Éditions de la Maison des sciences de l'homme, Paris, 1997.

 

Etymologie

*Il subsiste un verbe et deux substantifs, vestiges de la production de fibre du tilleul:

Teiller, Tiller, verbe trans.
Battre, broyer la tige des plantes textiles (lin, chanvre) pour séparer les parties ligneuses de la fibre.

Teillage, tillage, subst. masc. a) Opération (mécanique ou manuelle) permettant de séparer les fibres libériennes, après rouissage et séchage, des parties ligneuses des tiges de chanvre (chènevottes) ou de lin, afin d'obtenir de la filasse. b) Atelier ou s'effectue cette opération.

Teilleur, -euse, tilleur, -euse, subst. a) Ouvrier, ouvrière qui effectue les opérations de rouissage et de teillage. b) Subst. fém. Machine à teiller.

J'ai également trouvé ceci dans l'Encyclopédie, ou Dictionnaire Raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers
de Diderot et d'Alembert. (1751)

Tiller, terme dont les Cordiers se servent pour dire faire de la corde avec du tille ou écorce de tilleul. Il y a encore d'autres écorces qu'on peut tiller, par exemple celle du mahot; on en fait aussi de la scelle & de gros cordages qui ne le cedent guere en bonté aux cordes de chanvre.

Tillet, s. m. terme de Jardinier, c'est le nom qu'on donne aux lieux plantés de tilleuls ou tillots, ou au lieu où l'on en éleve, comme on dit chenaie, sapée, ozeraie, tremblaies, pour les lieux plantés de chênes, de sapins, d'oziers, de trembles.


C'est aussi l'origine de mon propre nom ...

Jean-Philippe Letellier

 

 

 
   
 
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